Après 3 à 5 semaines de cours à distance selon les zones, nous cherchons tous à tirer le bilan de cette incroyable épopée qu’est l’histoire de la continuité pédagogique. Entre l’annonce du confinement et sa mise en œuvre, seule une journée de cours s’est écoulée, laissant bien peu de place aux équipes professorales et administratives pour mettre en place des outils, coordonner les emplois du temps, harmoniser les pratiques des uns et des autres.
Dans l’urgence et la frénésie du moment, nous avons tous cherché à garder le lien avec nos élèves, voulant en cela tant répondre à leur angoisse que canaliser la nôtre. Nous sommes parfois passés, pour cela, par des canaux de communication inédits (groupes WhatsApp, comptes Instagram, fils Twitter), dont certains ont été interdits après coup par les rectorats (groupes WhatsApp en l’occurrence).
Nous nous sommes « convertis » ou, plus banalement, initiés aux applications de visioconférences telles que Zoom, Discord, HouseParty, la classe virtuelle du CNED, entre autres, devenant subitement des experts du numérique, et ce même pour les plus récalcitrants d’entre nous. Nous nous sommes débattus avec les environnements numériques de travail, tantôt performants, tantôt défaillants ; nous nous sommes sentis écartelés entre nos impératifs de profs et nos devoirs de parents, de conjoints ou d’enfants pour ceux dont les parents sont âgés ou fragiles. Nous avons appris, lors d’une conférence de presse malheureuse qui restera dans les annales, que notre travail n’était pas reconnu à sa juste valeur ; et nous avons attendu fébrilement la déclaration du ministre de l’Éducation nationale et du président sur l’enseignement à venir, les modalités du bac, les scénarios probables de reprise de cours, sans avoir l’impression d’y voir réellement plus clair après ces annonces officielles.
Que faire d’ici la reprise (progressive) des cours annoncée le 11 mai ? Comment mobiliser les troupes alors que nous sommes dans l’impossibilité de noter les devoirs et exercices qui nous sont rendus ? Et comment préparer nos élèves de 1re au bac de français alors que seuls les oraux sont maintenus, qu’ils portent sur un nombre de textes que nous avons pour la plupart déjà étudiés, et qu’il est difficile d’entraîner à l’oral en enseignement à distance ? Qui plus est, comment trouver nous-mêmes l’énergie nécessaire pour mener à bien une telle préparation alors que siffle sur nos têtes le même serpent (de mer) que celui qui obsède les élèves : les établissements ouvriront-ils assez tôt, et dans d’assez bonnes conditions pour permettre la tenue de cours dignes de ce nom ? Les oraux de français seront-ils réellement maintenus malgré la pétition demandant leur passage en contrôle continu qui circule actuellement sur le net ?
S’ajoute au flottement actuel, d’entrée en vacances pour certains et de sortie de vacances pour d’autres, la saturation face aux écrans qui nous saisit tous : télévision, smartphone, ordinateur ont envahi nos vies et colonisé nos esprits. Chaque jour amène son lot de nouveautés en termes d’interdits, d’organisation, de crise ou de mieux-être individuel et collectif. La situation est mouvante et, s’il n’est pas encore temps de tirer des leçons de la période que nous traversons, il reste néanmoins urgent de sortir de l’urgence pour planifier nos activités à venir et trouver des solutions pour ritualiser et encadrer notre travail et nous faciliter la vie.
De nombreux réseaux professionnels et sites internet institutionnels ont émergé ou ont renforcé leur communication à l’occasion de cette transformation à marche forcée de notre enseignement : ÊtreProf, le Café pédagogique, le réseau Canopée, les sites Lumni.fr ou Educ.Arte.tv, les sites de soutien scolaire SchoolMouv ou LesBonsProfs, les sites positionnés sur les pédagogies alternatives comme L’école à la maison… Tous ont envoyé des newsletters de soutien, ont proposé des outils innovants, ont ouvert une certaine partie de leurs services et produits gratuitement à leurs clients et usagers.
Du côté des éditeurs scolaires, c’est là aussi la gratuité qui s’est imposée pour accompagner au mieux l’effort des profs dans la mise en place de la continuité pédagogique. Mais cela ne suffit pas : mettre à disposition un manuel en ligne ne permet pas nécessairement aux élèves d’y avoir accès facilement, ni au professeur d’y prendre appui pour ses cours. Des exercices ciblés sur les points du programme restant à voir, conçus avec un niveau et dans un langage qui permette et favorise l’autonomie des élèves, proposés dans un format téléchargeable et imprimable et accompagnés de corrigés, voilà la solution qui, après discussion, s’est imposée aux profs auteurs de la collection Passeurs de textes pour aider un tant soit peu le travail de leurs collègues.
Aussi, nous vous proposons un spécimen numérique ciblé du Cahier de français 2de/1re actuellement sous presse. Vous y trouverez des doubles pages sur les points de grammaire du programme de 1re : les unes correspondent à ce que vous pouvez faire travailler aux élèves de 2de, les autres à une approche plus approfondie et plus proche des exigences de la question de grammaire à l’oral du bac. Vous y lirez également des doubles pages de méthodologie du commentaire consacrées aux objets d’étude que nous avons, pour une très grande majorité d’entre nous, parcourus à ce jour : récit, théâtre, littérature d’idées. Vous y consulterez enfin des exercices « vers le bac » ayant pour horizon la question de grammaire d’une part et l’exploitation de remarques de grammaire dans une explication linéaire d’autre part. Nous vous faisons bien sûr parvenir les corrigés de ces exercices pour que vous puissiez inviter vos élèves à l’autocorrection. L’abonnement aux comptes Twitter et Instagram @LeRobert_com permettra de recevoir ponctuellement des sélections d’exercices, d’activités ou d’extraits de glossaire utile aux professeurs comme à leurs élèves.
À l’heure de préparer les oraux de bac de français avec nos élèves, malgré nos doutes concernant leur tenue effective, nous espérons que ces doubles pages vous aideront à rassurer vos élèves en leur proposant des exercices à leur niveau, dont la difficulté est indiquée en légende pour qu’ils puissent mesurer et apprécier leurs progrès. L’objectif « oral » passe en effet par la révision des textes déjà étudiés, par l’élaboration de fiches de bac aussi complètes que possible, mais aussi par l’investissement de cette « question de grammaire » qui a été bien souvent délaissée en cours d’année par manque de temps et de matériel adéquat.
Enfin, que ce soit par visioconférence ou par l’envoi de fichiers audio, et quelle que soit la décision finale du gouvernement en général et de notre ministère en particulier sur la reprise des cours et l’effective tenue des oraux, soyons assurés que la préparation que nous assurons auprès des élèves est précieuse pour eux : elle structure leur quotidien, leur apprend à renforcer leur autonomie et valorise leur faculté d’adaptation. Nous pouvons valoriser cet investissement par une note non comptabilisée lors du troisième trimestre mais qui sera prise en compte dans l’appréciation du bulletin. Pour tenir, nous devons voir à longue vue : au-delà d’un oral de bac qui pourrait ne pas avoir lieu cette année, ce à quoi nous les préparons, c’est au grand oral de l’an prochain. Et puisque c’est leur dernière année de français obligatoire, tâchons de leur insuffler ce qui, sans doute, compte le plus et ce dont ils se souviendront plus tard : le goût et l’amour de la littérature, à plus forte raison en temps de crise.