par Martine Rodde et Edith Wolf
Pour compléter la partie de la méthodologie consacrée au commentaire, nous proposons un entraînement en trois ensembles aux premières étapes qui précèdent la rédaction proprement dite : de la première lecture au plan détaillé.
Chaque ensemble commence par la lecture d’un texte, suivie du rappel des éléments de méthode fournis dans le manuel et d’exercices pratiques guidés et en autonomie. Les textes appartiennent aux différents genres au programme : deux extraits de roman, deux textes d’idées, un passage de pièce de théâtre, un poème. Certains textes sont exploités plusieurs fois à différentes étapes du travail. Des questionnements précis permettent un travail en autonomie de l’élève aussi bien qu’une exploitation dans le cadre de la classe entière ou d’un groupe.
I Première lecture et contextualisation de l’extrait
Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678.
Rencontre pendant un bal
La Princesse de Clèves est un roman historique écrit au XVIIe siècle. L’action se déroule au XVIe siècle, à la cour d’Henri II, lieu idéalisé où les intrigues amoureuses constituent une préoccupation constante et nourrissent les conversations. Mlle de Chartres, jeune femme vertueuse de seize ans, vient d’épouser sans l’aimer le prince de Clèves. Elle est conviée à un bal à la cour. M. de Nemours est un très jeune et brillant gentilhomme (ici désigné par « ce prince »). Tous deux apparaissent à leur entourage comme parfaits tant par leur apparence que par leur rang et leurs mérites.
Mme de Clèves avait ouï parler de ce prince à tout le monde, comme de ce qu’il y avait de mieux fait et de plus agréable à la cour ; et surtout madame la dauphine le lui avait dépeint d’une sorte, et lui en avait parlé tant de fois, qu’elle lui avait donné de la curiosité, et même de l’impatience de le voir.
Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec M. de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait et à qui on faisait place. Mme de Clèves acheva de danser, et pendant qu’elle cherchait des yeux quelqu’un qu’elle avait dessein de prendre1, le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord2 ne pouvoir être que M. de Nemours, qui passait par-dessus quelque siège pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement.
M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini sans leur donner le loisir de parler à personne et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point.
– Pour moi, madame, dit M. de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Mme de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.
– Je crois, dit Mme la dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien.
Étape 1 Faire la première lecture
Faites-vous confiance. Vos premières réactions de lecteur sont nécessairement pertinentes : ce sont elles que l’auteur a voulu faire naître. Le but du commentaire sera ensuite de comprendre par quels moyens l’auteur a suscité ces réactions.
Faites-vous plaisir. Lisez en prenant tout votre temps, comme pour un texte que vous auriez choisi.
Prenez en note les éléments qui vous restent de la lecture et qui peuvent être : des thèmes, des choix de mots, des questions, des images, des associations d’idées, etc.
Formulez le sens général du texte soit en lui donnant un titre soit en rédigeant une phrase.
Questions
Lisez le texte extrait de La Princesse de Clèves, prenez en note vos premières impressions. Puis confrontez-les à celles de votre voisin. Que remarquez-vous ? Avez-vous été sensibles aux mêmes éléments ? Êtes-vous d’accord sur le sens du texte ?
Imaginez une transposition de la scène à notre époque et dans une circonstance que vous pourriez être amené à vivre. Quels personnages seraient les équivalents des courtisans ?
Désireriez-vous poursuivre votre lecture ? Pourquoi ?
Proposez à deux un nouveau titre pour le texte.
Étape 2 Utiliser les éléments de
contextualisation
Utilisez les éléments de paratexte (texte d’introduction et référence de l’ouvrage) pour éclairer le texte : l’auteur, l’époque, le genre auquel appartient l’ouvrage, la place de l’extrait dans l’œuvre, le résumé des éléments qui précèdent le texte, etc.)
Question
Quels éléments du paratexte pensez-vous importants pour la compréhension du texte ?
Lisez l’élément de corrigé ci-dessous.
Ce texte raconte la rencontre pendant un bal de Mme de Clèves et de M. de Nemours qui, bien que tous deux proches de la famille royale, ne se sont jamais vus. Le récit est situé dans un passé idéalisé : la cour d’un roi de la Renaissance considérée comme un cadre propice à la naissance de la passion amoureuse. L’amour y est le sujet principal des conversations. On y considère les deux héros comme des êtres parfaits selon les critères de la cour.
À vous de jouer.
Soulignez dans le corrigé les éléments qui seront repris dans le commentaire du texte.
EXERCICES
Exercice 1 guidé
Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, scène 10, 1673.
Étape 1 Faire la première lecture
Le Malade imaginaire est la dernière comédie de Molière, représentée en 1673. Elle est structurée en trois actes.
Argan, un riche bourgeois est un « malade imaginaire », qui vit en suivant aveuglément les conseils de son médecin. Il veut marier sa fille au fils de ce dernier, mais Angélique aime un jeune homme nommé Cléante, qui l’aime en retour. La jeune servante Toinette veut aider les amoureux et décide de se déguiser en médecin pour dégoûter son maître de la médecine afin de le détourner de ses projets. La satire des médecins, présentés comme des ignorants vaniteux, est un thème issu de la tradition médiévale.
TOINETTE. – Je suis médecin passager, qui vais de
ville en ville, de province en province, de royaume en royaume, pour chercher
d’illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades dignes de
m’occuper, capables d’exercer les grands, et beaux secrets que j’ai trouvés
dans la médecine. Je dédaigne de m’amuser à ce menu fatras de maladies
ordinaires, à ces bagatelles de rhumatismes et de fluxions, à ces fiévrottes, à
ces vapeurs, et à ces migraines. Je veux des maladies d’importance, de bonnes
fièvres continues, avec des transports au cerveau, de bonnes fièvres pourprées,
de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies, avec des
inflammations de poitrine, c’est là que je me plais, c’est là que je triomphe ;
et je voudrais, Monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de
dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l’agonie,
pour vous montrer l’excellence de mes remèdes, et l’envie que j’aurais de vous
rendre service.
ARGAN. – Je vous suis obligé, Monsieur, des bontés que vous avez pour moi.
TOINETTE. – Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l’on batte comme il faut.
Ahy, je vous ferai bien aller comme vous devez. Hoy, ce pouls-là fait
l’impertinent ; je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Qui est
votre médecin ?
ARGAN. – Monsieur Purgon.
TOINETTE. – Cet homme-là n’est point écrit sur mes tablettes entre les grands
médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade ?
ARGAN. – Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que c’est de la rate.
TOINETTE. – Ce sont tous des ignorants, c’est du poumon que vous êtes malade.
ARGAN. – Du poumon ?
TOINETTE. – Oui. Que sentez-vous ?
ARGAN. – Je sens de temps en temps des douleurs de tête.
TOINETTE. – Justement, le poumon.
ARGAN. – Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.
TOINETTE. – Le poumon.
ARGAN. – J’ai quelquefois des maux de cœur.
TOINETTE. – Le poumon.
Questions
Étape 1 Faire une première lecture
Après la lecture, prenez des notes rapides pour donner vos impressions sur
l’action de la scène, l’effet sur le spectateur, les personnages.
Aimeriez-vous jouer l’un des deux rôles ? Lequel ? Y a-t-il des
répliques dont vous vous souvenez ?
Que peut-il se passer après cette scène ?
Proposez un titre pour cette scène ou résumez-la d’une phrase.
Étape 2 Utiliser les éléments de contextualisation
Quelles informations vous permettent de comprendre qu’il s’agit d’une scène appartenant à une comédie classique ?
À quel moment de la pièce la scène se situe-t-elle ?
Quels éléments dans le résumé de l’action de la pièce vous rappellent des
situations fréquentes dans les comédies ? Quel élément du texte de
présentation est indispensable à la compréhension de la situation et du sens
des répliques ? Quel type de comique est ainsi produit ? Quels mots
de la présentation du texte peuvent vous aider à comprendre les intentions de
l’auteur et à bien orienter votre commentaire ?
Exercice 2 travail en autonomie
Raymond Queneau, Zazie dans le métro, 1959.
Lisez cet extrait
de Zazie dans le métro, de Raymond
Queneau.
Pour amorcer l’étude de ce texte, reprenez les étapes de méthode proposées dans
la leçon ci-dessus : faire une première lecture, utiliser les éléments de
contextualisation.
Ce texte constitue l’incipit de Zazie dans le métro, de Raymond Queneau. Le roman raconte le court séjour à Paris chez son oncle Gabriel d’une fillette d’une dizaine d’années, particulièrement délurée. Le récit raconte l’initiation de Zazie à la vie adulte dans un contexte populaire et parisien transformé par la fantaisie et l’humour de l’auteur, qui joue avec le langage.
Doukipudonktan, se demanda Gabriel excédé. Pas possible, ils se nettoient jamais. Dans le journal, on dit qu’il y a pas onze pour cent des appartements à Paris qui ont des salles de bain, ça m’étonne pas, mais on peut se laver sans. Tous ceux-là qui m’entourent, ils doivent pas faire de grands efforts. D’un autre côté, c’est tout de même pas un choix parmi les plus crasseux de Paris. Y a pas de raison. C’est le hasard qui les a réunis. On peut pas supposer que les gens qui attendent à la gare d’Austerlitz sentent plus mauvais que ceux qu’attendent à la gare de Lyon. Non vraiment, y a pas de raison. Tout de même quelle odeur.
Gabriel extirpa de sa manche une pochette de soie couleur mauve et s’en tamponna le tarin.
« Qu’est-ce qui pue comme ça ? » dit une bonne femme à haute voix.
Elle pensait pas à elle en disant ça, elle était pas égoïste, elle voulait parler du parfum qui émanait de ce meussieu.
« Ça, ptite mère, répondit Gabriel qui avait de la vitesse dans la repartie, c’est Barbouze, un parfum de chez Fior.
– Ça devrait pas être permis d’empester le monde comme ça, continua la rombière sûre de son bon droit.
– Si je comprends bien, ptite mère, tu crois que ton parfum naturel fait la pige à celui des rosiers. Eh bien, tu te trompes, ptite mère, tu te trompes.
– T’entends ça ? » dit la bonne femme à un ptit type à côté d’elle, probablement celui qu’avait le droit de la grimper légalement. « T’entends comme il me manque de respect, ce gros cochon ? »
Le ptit type examina le gabarit de Gabriel et se dit c’est un malabar, mais les malabars c’est toujours bon, ça profite jamais de leur force, ça serait lâche de leur part. Tout faraud, il cria :
« Tu pues, eh gorille. »
Gabriel soupira. Encore faire appel à la violence. Ça le dégoûtait cette contrainte. Depuis l’hominisation première, ça n’avait jamais arrêté. Mais enfin fallait ce qu’il fallait. C’était pas de sa faute à lui, Gabriel, si c’était toujours les faibles qui emmerdaient le monde. Il allait tout de même laisser une chance au moucheron.
« Répète un peu voir », qu’il dit Gabriel.
Un peu étonné que le costaud répliquât, le ptit type prit le temps de fignoler la réponse que voici :
« Répéter un peu quoi ? »
Pas mécontent de sa formule, le ptit type. Seulement, l’armoire à glace insistait : elle se pencha pour proférer cette pentasyllabe monophasée :
« Skeutadittaleur… »
Le ptit type se mit à craindre. C’était le temps pour lui, c’était le moment de se forger quelque bouclier verbal. Le premier qu’il trouva fut un alexandrin :
« D’abord, je vous permets pas de me tutoyer.
– Foireux », répliqua Gabriel avec simplicité.
Et il leva le bras comme s’il voulait donner la beigne à son interlocuteur. Sans insister, celui-ci s’en alla de lui-même au sol, parmi les jambes des gens. Il avait une grosse envie de pleurer. Heureusement vlà ltrain qu’entre en gare, ce qui change le paysage. La foule parfumée dirige ses multiples regards vers les arrivants qui commencent à défiler, les hommes d’affaires en tête au pas accéléré avec leur porte-documents au bout du bras pour tout bagage et leur air de savoir voyager mieux que les autres.
Gabriel regarde dans le lointain ; elles, elles doivent être à la traîne, les femmes c’est toujours à la traîne ; mais non, une mouflette surgit qui l’interpelle :
« Chsuis Zazie, jparie que tu es mon tonton Gabriel.
– C’est bien moi, répond Gabriel en anoblissant son ton. Oui, je suis ton tonton. »
La gosse se marre.
Questions
Pour amorcer l’étude de ce texte reprenez les étapes de méthode proposées dans la leçon ci-dessus : faire une première lecture, utiliser les éléments de contextualisation.
II Faire une lecture analytique du texte, formuler une problématique, chercher des perspectives d’étude
OBSERVATION
Louise Labé, Sonnets, 1555.
Louise Labé a participé à la vie littéraire de son temps. Contemporaine des poètes de la Pléiade comme Ronsard et du Bellay, elle a écrit essentiellement des sonnets et des élégies en donnant une grande intensité au thème de la passion amoureuse, issu de la tradition poétique.
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie…
Je vis, je
meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris
et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour
inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois
ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Étape 1 Première lecture
Notez vos réactions personnelles à ce texte. Puis répondez aux questions
suivantes.
Quel est le thème du texte ? Quel pronom est souvent répété ? Quelle
est la tonalité du texte ? Quels sont les effets de l’amour sur le corps
et sur les sentiments ? Selon vous, quelle image de l’amour est présente
dans ce poème ?
Étape 2 Éléments de contextualisation
Après avoir relu tous les éléments de paratexte, répondez aux questions suivantes.
À quelle époque ce poème a-t-il été écrit et par qui ? Quelle forme fixe le texte suit-il ? À quelle époque cette forme a-t-elle été introduite en France ? Le thème du poème est-il original ou vient-il d’une tradition poétique ancienne ? La manière dont ce thème est traité vous semble-t-elle originale ou non ?
Étape 3 Relire le texte de façon analytique en utilisant les notions acquises en cours
Relisez le
texte. Pour répondre aux questions suivantes, faites appel aux notions d’analyse des textes que vous avez acquises.
Qui parle ? Quel type de vocabulaire est employé ? Quelle est la
forme du poème ? Remarque-t-on des figures de style récurrentes ?
Reliez toutes ces remarques au sens du texte.
Exemple de réponse.
Qui parle ?
« L’auteure parle à la première personne. On remarque le grand nombre d’occurrences des pronoms de cette personne. Effet produit : centrer le poème sur celle qui parle, enfermée dans sa souffrance. Cela fait du lecteur le témoin de cette douleur et l’en rapproche. »
À vous de jouer.
– Sur ce modèle,
notez, en les rattachant au sens général du texte, des éléments de réponse aux
autres questions de l’étape 3 : vocabulaire, forme du poème et figures de
style.
– Pour comprendre la composition du poème, donnez un titre aux deux quatrains
et un autre aux tercets.
Étape 4 Formuler une problématique : s’interroger sur le sens et la visée du texte
En reprenant vos éléments de réponse aux étapes précédentes, formulez sous forme de question l’élément qui vous paraît le plus important dans le texte.
Étape 5 Proposer deux perspectives d’étude qui organiseront votre commentaire
Relever des phrases ou
des passages importants dont certains pourront être cités.
Exemple de réponse.
1re partie :
« Ce poème lyrique (où le « je » est très présent) montre d’abord sans en expliquer la cause les effets contradictoires sur le corps et l’esprit de la passion amoureuse (strophes 1 et 2). »
2e partie :
« Il met ensuite en scène le sentiment amoureux en le personnifiant et en montrant ses effets sur le destin de celle qui l’éprouve (strophes 3 et 4). »
À vous de jouer.
Relevez des passages du texte qui pourront être cités dans le cadre de ces perspectives d’étude.
EXERCICES
Exercice 1 guidé (entraînement à la
lecture analytique d’un passage précis)
Virginie Despentes, King Kong théorie, éd. Grasset, 2006
Je suis ce genre de femme qu’on n’épouse pas, avec qui on ne fait pas d’enfant, je parle de ma place de femme toujours trop tout ce qu’elle est, trop agressive, trop bruyante, trop grosse, trop brutale, trop hirsute, toujours trop virile, me dit-on. Ce sont pourtant mes qualités viriles qui font de moi autre chose qu’un cas social parmi les autres. Tout ce que j’aime de ma vie, tout ce qui m’a sauvée, je le dois à ma virilité. C’est donc ici en tant que femme inapte à attirer l’attention masculine, à satisfaire le désir masculin, et à me satisfaire d’une place à l’ombre que j’écris. C’est d’ici que j’écris, en tant que femme non séduisante, mais ambitieuse, attirée par l’argent que je gagne moi-même, attirée par le pouvoir, de faire et de refuser, attirée par la ville plutôt que par l’intérieur, toujours excitée par les expériences et incapable de me satisfaire du récit qu’on m’en fera.
Questions
Quelle est l’idée centrale du texte ? À quelle idée concernant les femmes s’oppose l’auteure ?
Proposez des éléments d’analyse de ce passage en utilisant les notions que vous possédez sur les formes d’insistance : vous commenterez la place de certains mots, les répétitions.
Proposez des éléments d’analyse sur les formes de l’opposition (structures, sonorités, choix de mots).
Exercice 2 guidé
– Relisez le texte « Rencontre au bal » ainsi que les éléments de
réponse proposés aux étapes 1 et 2. Reprenez également vos propres réponses
pour ces étapes.
– Pour l’étape 3 (relire le texte en utilisant les notions acquises) posez-vous les questions suivantes :
Pourquoi peut-on dire que le récit propose un point de vue omniscient ? Quels sont les trois points de vue qui se succèdent et s’entrecroisent ? Identifiez les passages correspondant à chacun de ces points de vue.
Pourquoi peut-on dire que la rencontre des deux personnages est présentée comme un spectacle ?
Formez le champ lexical des sentiments. Quels sont ceux des spectateurs ? Quels sont ceux des héros ? Quels sentiments sont à l’origine de l’amour ?
– Pour l’étape 4 (formuler une problématique), utilisez les éléments sur la contextualisation et vos réponses à l’étape 3 pour énoncer la problématique sous la forme d’une question.
– Pour l’étape 5 (proposer deux perspectives d’étude), pensez à ce que vous avez analysé à l’étape 3 et énoncé dans la problématique concernant le spectacle de la naissance de l’amour et l’origine du sentiment amoureux.
Exercice 3 en autonomie
Relisez le texte extrait du Malade imaginaire et vos réponses aux questions des premières étapes.
Reprenez la méthode proposée dans la leçon ci-dessus pour formuler une problématique et deux perspectives d’étude. Prenez en compte le fait qu’il s’agit d’un extrait de comédie et interrogez-vous sur les sources du comique et la visée du texte.
III Faire un plan détaillé
Victor Hugo, Discours à l’Assemblée nationale, 1848-1871
Ce discours devait être prononcé en 1848 par Victor Hugo alors qu’il était membre de la Chambre des Pairs, une assemblée créée par le régime de la Restauration (1830-1848). Bien qu’élu de la droite conservatrice, l’écrivain y défend des idées progressistes, notamment sur les lois pénales et sur l’éducation. Il n’a pas pu prononcer ce discours, car l’assemblée des Pairs a été dissoute lors de la révolution de 1848.
Messieurs, je le dis avec douleur, le peuple sur qui tout retombe, qui endure la peine, la fatigue, les famines, les hivers rudes, dont les enfants, durement exploités, subissent le labeur malsain des manufactures, dont les fils payent tous inexorablement l’impôt militaire3, le peuple qui est la force de la nation, qui a tous les bons instincts de la paix et qui fait toutes les grandes choses de la guerre, le peuple qui, dans l’état social tel qu’il est, porte tant de fardeaux, porte aussi, plus que toutes les autres classes, le poids de la pénalité. Ce n’est pas sa faute. Pourquoi ? Parce que les lumières lui manquent d’un côté, parce que le travail lui manque de l’autre. Trop souvent du moins. D’un côté les besoins le poussent, de l’autre aucun flambeau ne l’éclaire. De là les chutes.
Messieurs, c’est à cela qu’il est urgent de pourvoir, ce que vous faites aujourd’hui comparé à ce qui reste à faire n’est encore que superficiel, et la vraie réforme des prisons, la vraie réforme de la pénalité, ce serait une loi qui donnerait gratuitement à ceux qui ne peuvent la payer l’éducation, ou au moins l’enseignement primaire, ce serait une législation qui résoudrait la question si compliquée du travail. Ce que vous faites aujourd’hui est bon ; mais on pourrait presque dire que vous commencez par la fin. N’importe, améliorons la pénalité, mais n’oublions pas qu’il faut que le complément vienne. La loi que vous votez n’est qu’un premier pas, et vous engage. Quant à moi je souffre, je souffre profondément quand je pense qu’il y a autour de moi tant d’hommes, mes compatriotes, mes frères, mes égaux devant la loi, mes pareils devant Dieu, dont les uns ne savent pas lire, dont les autres n’ont pas de pain. Messieurs, tirez le peuple de ces affreuses vieilles prisons, écoles de vice, ateliers de crime, dans lesquelles, vous le savez maintenant par les révélations de Clairvaux, le froid et la faim sont employés comme moyens de répression et comme auxiliaires du geôlier, dans lesquelles la discipline, maintenue avec une abominable férocité, va jusqu’au rétablissement de la torture, dans lesquelles la mortalité, grâce à de hideux abus, est de un sur onze, quelquefois de un sur sept, dans lesquelles enfin sur vingt-cinq malheureux qui sortent du cachot, vingt-cinq meurent ! Tirez le peuple au plus vite de ces horribles prisons, mais tirez-le aussi de ces deux autres prisons plus cruelles encore, l’ignorance et la misère.
Répondez aux questions et exécutez les consignes en suivant les premières étapes du commentaire.
Étape 1 Première lecture
Êtes-vous d’accord avec les idées exprimées ? Avez-vous été ému par certaines évocations ? Cherchez le sens des mots pénalité, labeur, manufacture.
Lisez le texte
et formulez en deux phrases la thèse soutenue par Hugo.
Quels sont les deux sujets sur lesquels il prend parti ?
Étape 2 Utilisation des éléments de
contextualisation
Quel était le rôle de l’écrivain dans la vie publique de son temps ?
S’agit-il ici pour lui de s’adresser à des lecteurs ou de parler à des gens qui
peuvent influer pratiquement sur les faits ?
Pourquoi
peut-on dire que les idées de l’auteur sont progressistes ?
Quels termes du texte de présentation peuvent vous aider à trouver vos
perspectives d’étude ?
Étape 3 Lecture analytique du texte en utilisant les notions acquises
Exemple
Le texte défend la thèse selon laquelle le peuple, sur qui repose la prospérité de la société tout entière, n’est pas responsable des délits que la misère lui fait commettre.
L’auteur s’oppose à l’idée selon laquelle il faut punir sévèrement la délinquance.
L’autre idée défendue est le lien entre l’absence d’instruction et la délinquance, entre le chômage et la délinquance. L’éducation de tous serait le remède aux maux sociaux.
L’auteur veut convaincre et fait appel à des arguments comme l’énoncé de faits qui décrivent le rôle du peuple dans la société, le lien entre causes et effets, l’argument par définition.
L’auteur veut persuader et fait appel aux sentiments, en évoquant sa propre souffrance, en décrivant avec un vocabulaire fort la réalité d’une situation insoutenable, en impliquant le destinataire dans son discours.
À vous de jouer.
Associez à chaque élément en gras une citation du texte.
Étapes 4 et 5
Problématique et perspectives d’étude
Problématique :On peut se demander ce que l’orateur cherche à obtenir par son discours et par quels moyens sa parole agit.
Perspectives d’étude
Un discours qui vise à obtenir des changements pratiques. Un discours qui cherche à modifier la façon de penser les questions sociales.
Étape 6 Faire un plan détaillé et
intégrer les citations utiles
Lisez le plan détaillé ci-dessous.
À vous de jouer.
Rendez le plan plus clair en numérotant parties et sous-parties. Proposez pour les éléments en gras une citation qui illustre le procédé ou l’idée.
Première partie :Un discours qui vise à obtenir des changements pratiques
Visée du texte : obtenir une réforme pénale, en particulier les conditions d’incarcération des détenus (notamment après le scandale de la prison de Clairvaux).
Stratégie du discours : convaincre en utilisant
– des arguments par les faits (condition de vie du peuple, état des prisons)
– des arguments sur le lien entre causes et effets (le peuple soutient la nation et n’est pas responsable de sa misère ni de la délinquance)
– des arguments par définition (définition positive du peuple, définition négative des prisons)
Persuader en utilisant :
– un vocabulaire intensif
– des formes de la répétition et de l’insistance
– une implication personnelle de l’auteur (sentiments, première personne
– une adresse aux destinataires (demande insistante)
Deuxième partie: Un discours qui invite à repenser la réalité sociale
Visée du texte : établir un lien entre la délinquance et l’absence d’éducation
Stratégie du discours : entraîner le destinataire à devenir un acteur du raisonnement
– recours à la question rhétorique
– captatio benevolentiae : repenser l’ensemble de la situation
– redéfinition de l’ordre logique des réformes sociales
– établissement d’un lien entre passé et avenir
– argument par définition (misère = ignorance = prison)
EXERCICE
Relisez l’incipit de Zazie dans le Métro.
Reprenez les étapes de méthode proposées en I pour amorcer l’étude du texte.
Poursuivez
votre travail en réalisant l’étape 3vue
en II : faire une lecture analytique du texte, formuler une problématique,
chercher des perspectives d’étude.
Établissez ensuite le plan détaillé du texte en suivant la méthode donnée
ci-dessus.