Nous vous avions interrogés pendant le confinement sur vos conditions de travail, vos difficultés et vos réussites. Vous avez été plus de 2000 à nous répondre et nous vous en remercions. Cette enquête nous a permis de mieux comprendre vos pratiques et vos besoins. Nous pourrons à l’avenir concevoir des supports pédagogiques plus adaptés et tenir compte de ce qui a changé dans vos usages et ceux des familles.

Nous partageons avec vous dans cet article les résultats de l’enquête. N’hésitez pas à déposer dans l’espace de dialogue des commentaires et de nouveaux témoignages. Le déconfinement pose en effet de nouvelles questions sur lesquelles nous allons rester en veille cet été et à la rentrée.

L’équipement des professeurs

Un tiers des enseignants qui ont participé à l’enquête étaient mal équipés pour enseigner à distance, par manque de matériel et de logiciels. 57 % d’entre eux ont rencontré des problèmes de connexion. Les enseignants en difficulté ont dû trouver seuls ou grâce à l’aide de leurs collègues des solutions à ces problèmes. Un professeur sur quatre a dû acheter du matériel informatique sans aide financière de son établissement.

Au regard de cette réalité, on peut s’étonner qu’il n’y ait eu que 5 % de professeurs « décrocheurs », selon la terminologie infamante qui s’est imposée dans les médias en mai dernier.

Quelle pédagogie à distance ?

Peu de professeurs ont assuré la totalité de leurs cours en visio (heureusement pour les élèves). Ils ont majoritairement mélangé différentes approches, faisant preuve d’une grande inventivité pédagogique. Les séances de visio ont alterné avec des échanges écrits et des programmes de classe inversée pour lesquels ils ont choisi des contenus des manuels (papier ou numérique), des capsules vidéos de contenus pédagogiques ou réalisé des questionnaires en ligne.

66 % des professeurs ne connaissaient pas les outils qu’ils ont utilisés pendant le confinement, qu’il s’agisse des classes virtuelles, salles de conférences en ligne, webinaires ou capsules de contenus.

S’ils n’ont pas été préparés, s’ils n’ont pas été accompagnés par l’institution, les professeurs ont en revanche été laissés libres de s’organiser. 66 % des professeurs n’ont reçu aucune consigne. 76 % se sont débrouillés seuls pour concevoir les cours et trouver les ressources.

Les activités proposées aux élèves ont été extrêmement variées : exercices sur papier ou en ligne, lectures, films ou vidéos à regarder, quiz, exposés, recherche documentaire.

Les travaux d’élèves ont été le plus souvent corrigés individuellement et les professeurs ont déposé (via l’ENT) un corrigé général. 59 % des enseignants disent avoir été submergés de copies à corriger.

Repenser sa pédagogie

Face à un événement imprévu et traumatisant qui a touché chacun, et les professeurs tout autant que les autres Français, les enseignants ont fait preuve d’une impressionnante créativité pédagogique. 73 % d’entre eux ont créé de nouvelles propositions pédagogiques. Ils l’ont fait sans l’aide de leurs établissements, alors que leur équipement personnel était souvent défaillant et dans un contexte de télétravail parfois difficile. L’enquête montre l’extrême richesse de ces nouveaux contenus qui comportaient dans certains cas une dimension ludique afin de tenir compte du stress et de l’isolement des élèves.

Ce renouveau pédagogique s’est accompagné d’un renforcement du lien avec les élèves et leurs familles. 92 % des professeurs ont été en contact avec leurs élèves plus de deux fois par semaine.

Les élèves et leur famille

Le confinement a changé (peut-être durablement) la donne dans le trio professeur, élève, parents. L’effort des professeurs n’a pas seulement consisté à enseigner mais aussi à motiver, à remotiver, à empêcher le décrochage.

Au terme du confinement, si les enseignants ne sont que 13 % à penser que leur institution les comprend et les reconnaît davantage qu’avant, ils sont en revanche 37 % à penser que les parents ont une meilleure compréhension et plus de considération pour leur travail. Très rares sont les professeurs qui pensent que le confinement a dégradé leur image aux yeux des élèves et des parents.

Alors que 70 % des professeurs disent que leur relation avec les élèves n’a pas changé pendant le confinement, 30 % jugent qu’elle s’est améliorée et approfondie.

Ce que le confinement a changé

Outre cette prise de conscience par les familles de l’investissement des professeurs, le confinement a eu d’autres conséquences. Les professeurs disent avoir découvert de nouveaux supports et de nouveaux types d’activités qui pourront leur être utiles à l’avenir. 80 % d’entre eux déclarent qu’ils les conserveront l’an prochain. Par ailleurs, le numérique a occupé une place centrale pendant la période du confinement. Pour certains professeurs ces ressources et ces compétences numériques sont utiles et garderont une place dans leur enseignement, pour d’autres, tout aussi nombreux, le numérique restera associé à cet épisode traumatisant et ils n’envisagent en aucun cas de lui faire une place à l’avenir.

En conclusion

Loin des clichés malveillants véhiculés par les médias et face auxquels l’institution est restée étrangement passive, notre enquête permet de prendre conscience du surinvestissement des professeurs pendant le confinement. Alors qu’ils n’avaient pas été préparés, n’avaient pas reçu de formation pour les aider à faire face, ils ont fait preuve de créativité, ont exploré de nouveaux moyens techniques et ont su préserver le lien avec les élèves et les familles.

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4 commentaires

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  1. Bravo pour cet article sur la dépréciation médiatique des professeurs, qu’aucune voix à ma connaissance n’a signalée ni condamnée.
    En effet alors qu’ils rendaient quotidiennement hommage aux soignants et se faisaient même le relais des manifestations spontanées de solidarité du public avec les infirmières, médecins et aides-soignants, les médias ont totalement passé sous silence l’énorme investissement des enseignants.
    Pire, ils ont largement diffusé le « chiffre » du ministère selon lequel 5% des professeurs auraient été « décrocheurs », répétant à l’envi ce terme infantilisant.
    Alors que de nombreux parents découvraient qu’enseigner était un métier, et mesuraient l’importance du travail des enseignants qui, avec leur matériel informatique personnel, maintenaient la relation pédagogique les médias n’ont rien vu.
    Pourquoi tant d’aveuglement? Probablement pour les mêmes raisons qui les poussent à se faire régulièrement l’écho des clichés sur l’absentéisme et la démission des professeurs: parce que les bas salaires des enseignants font d’eux des « prolos de l’intellect », véhiculant une image dévalorisante des professions intellectuelles qui atteint indirectement les journalistes. Peut-être aussi parce que la nature du travail d’enseignant est complexe, subtile, et, pour être perçue demande un réel travail de compréhension de la nature de la relation pédagogique.
    Au fond, enseigner c’est faire de l’antiscoop: c’est répéter, être patient, se montrer constamment à l’écoute de l’autre, modifier sa posture dans l’échange, percevoir tout ce qui se passe dans la relation.
    Il y a bien sûr des journalistes spécialisés dans les questions pédagogiques. Mais leur relation avec les professeurs est bien différente de celle qu’entretiennent, par exemple, les journalistes sportifs avec les athlètes ou les spécialistes de la culture avec ses acteurs.
    Une des journalistes de France Culture chargée des questions liées à l’école tient régulièrement un discours teinté de méfiance voire d’hostilité envers les enseignants. Qui pourrait imaginer cela dans un autre domaine?
    Le Monde d’après ressemblera beaucoup à celui d’avant pour les professeurs : ils ne recevront aucune reconnaissance sociale pour l’énorme effort qu’ils ont fourni.
    Et peut-être manifesteront-ils leur colère.

  2. Bonjour,
    Merci pour ce retour. Je remercie les éditions Le Robert d’avoir été là, avec nous pour aider, soutenir les familles et d’avoir fourni gratuitement le manuel numérique. Merci pour vos mots réconfortants. Ce que l’institution n’a pas fait, vous le faites et merci pour cela. Ce serait intéressant que vous remontiez vos conclusions plus haut!
    Cordialement,

  3. Bonjour !

    Quel plaisir de lire ces expériences des autres enseignants ! Voilà qui, en effet, est bien plus intéressant que les clichés dont, même ici, à Jakarta, nous avons eu part-et ce par un chargé de communication que cela amusait !- Moment de grande solitude…
    Comme dans beaucoup de témoignages que je viens de lire, je dois dire que cette période de confinement a été l’occasion d’approfondir certains outils informatiques que j’utilisais à moitié ou d’en découvrir d’autres qui se sont avérés parfois très utiles ! Cela a aussi permis de mettre en valeur certains élèves habituellement plus effacés en classe lors des prises de paroles… et qui se sont révélés de formidables soutiens pour leur professeure !!
    D’un point de vue informatique, j’ai notamment utilisé davantage Google drive pour que les élèves puissent rédiger en direct et continuer seuls chez eux. Avec le lien et le partage, ils s’y rendaient à leur gré. Parfois, je les corrigeais même certains soirs quand ils travaillaient de chez eux. J’ai pu découvrir plus en profondeur les fonctionnalités de l’application Genial.ly et Book Creator… en sus des applications déjà présentes sur leurs Ipad.
    Le problème que j’ai le plus de mal à gérer : le temps. Tous ces outils étant très chronophages, j’y ai passé parfois 8H par jour car j’avais envie de trouver et je ne décrochais pas !! Bref, il faut savoir s’arrêter et ça, ce n’est pas toujours évident quand on veut innover, aider les élèves au maximum et qu’on est enfermé au milieu des écrans qui nous tendent leurs petites touches tactiles ou en relief !!
    J’espère qu’avec cette expérience acquise, lors de la rentrée prochaine à Jakarta, où nous serons toujours confinés, je parviendrais à me sortir un peu des écrans…

    Je ne sais pas si cela vous intéresse mais je voulais vous faire partager l’une des activités que nous avons produites avec une classe de 6ème :
    – Voici le lien du book « Créations poétiques » (audio, vidéo, dessins, photos, écrits) en ligne : https://read.bookcreator.com/OXnyHTpNuoXZjnfKU9uw2B8Kd1G2/oGzjyurGQ7uAwC0mvOxzOg
    (Petite précision : dans Paramètres, mettre « Page côte à côte » pour que cela soit plus lisible et esthétique .)

    En voici une autre effectuée avec des élèves de 3èmes, en lien avec le Prix des Incos 2020 :
    https://view.genial.ly/5ecf38c795a58b0d8d8c8178/presentation-lectures-dete

    Si cette période a permis à certains de révéler leurs talents, elle a aussi suscité en moi nombre de nouvelles idées et projets sur la manière d’aborder la langue française mais aussi la lecture… Projets en germe !!

    Je tenais à vous dire également que j’aime beaucoup votre site et que j’ai fait commander vos dicos numériques pour l’an prochain !! Les élèves adorent travailler sur le vocabulaire… qui bien souvent est la base de tout ! Bon point de départ pour nos futurs projets !

    Désolée d’avoir été aussi bavarde(comment changer !! Même quand on écrit !!?).
    Merci pour votre travail indispensable.
    Chaleureusement,
    Françoise Rivière
    Professeure de lettres et théâtre Jakarta.

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