L’annonce présidentielle de la fermeture des écoles jusqu’à nouvel ordre nous oblige à trouver des solutions de continuité pédagogique. Selon les niveaux en pratiques numériques de chacun et les relations nouées avec les élèves, les solutions sont multiples. Nous assistons à une véritable explosion d’idées sur la meilleure manière de faire cours à distance.
Je suis convaincue que chaque enseignant.e sait ce qui lui convient le mieux et selon quel planning il ou elle souhaite travailler, en fonction de ses contraintes familiales notamment ; il en va de notre liberté pédagogique. J’ai la chance d’exercer dans un établissement qui respecte entièrement cette liberté et qui fait confiance à son équipe professorale pour s’organiser, en autonomie et de la meilleure manière possible. Pour ma part, j’ai envoyé un mail aux parents et aux élèves définissant le protocole suivant.
Un programme personnel de travail mêlant vidéos et exercices
Aux horaires de cours habituels, j’enverrai aux élèves un programme de travail. Si vous avez ces outils à votre disposition, les environnements numériques de travail (ENT) peuvent constituer des moyens efficaces d’échanger avec élèves et parents. Les ENT de mon établissement rencontrant des difficultés, j’ai privilégié les autres moyens de communication dont je disposais pour joindre mes élèves, moyens que je détaille ci-dessous.
Le programme de travail que je propose consiste en l’étude de plusieurs vidéos à visionner sur Internet. Il s’agira de documentaires ou de courtes vidéos que j’aurai tournées pour les élèves, accompagnées de renvois vers des exercices du manuel, d’un lien vers un quizz en ligne, d’une consigne concernant une prise de notes pendant le visionnage de la vidéo ou d’un travail à rendre.
Concernant les ressources vidéos en accès libre sur Internet, je m’orienterai vers :
- des documentaires en replay sur arte.tv ;
- des extraits de La Grande Librairie ;
- des archives sur YouTube comme les conférences de Henri Guillemin sur Flaubert, des entretiens d’auteurs sur l’INA, etc.
Quant aux vidéos que je vais tourner pour l’occasion, c’est la grande aventure ! J’ai depuis quelques temps un compte YouTube (Elodie Pinel), que j’utilise peu. Je vais m’exercer à partir de lundi 16 mars 2020 à tourner avec la plateforme de courtes vidéos (8 minutes maximum) où je proposerai un oral type BAC (explication linéaire, exposé sur une œuvre ou question de grammaire), une courte leçon ou des conseils à destination des parents. J’ai l’expérience de ce type de vidéos car je collabore depuis trois ans avec LesBonsProfs.com ; réaliser des vidéos en totale autonomie reste toutefois déstabilisant. Je n’ai ni les micros, ni les projecteurs dont disposent les professionnels ! Et j’ai pour tout décor ma bibliothèque dans un désordre innommable…
Concernant le travail donné aux élèves d’une séance sur l’autre, je renverrai souvent aux manuels Passeurs de textes dont les élèves disposent chez eux, car j’estime que cela permettra à tous de ne pas passer trop de temps devant les écrans et d’acquérir ainsi le réflexe de consulter plus souvent le manuel. Les livres du professeur contenant les corrigés des exercices seront mis gratuitement à la disposition des enseignants : je ferai parvenir aux élèves le corrigé de l’exercice et les laisserai s’évaluer en auto-correction, comme nous pouvons le pratiquer en classe pour les exercices.
Les manuels Le Robert Passeurs de textes sont accessibles en un clic :
L’accès à tous les manuels permettra aux lycéens de disposer d’une consultation d’ouvrages conformes aux programmes. Aucune identification n’est nécessaire, ils sont désormais en ligne sur le site adistance.manuelnumerique.com
Lorsque je serai plus aguerrie et que j’aurai apprivoisé des outils de création de quizz en ligne (par exemple via les classes virtuelles sur EcoleDirecte, pour celles et ceux qui disposent de cette interface), je n’exclus pas d’y renvoyer mes élèves. Mais cela n’est pas ma priorité pour l’instant. Je pense plutôt renvoyer, pour la grammaire, à un outil déjà existant et auquel les élèves peuvent accéder via leur manuel numérique de 2de, à savoir la plateforme d’entrainement grammatical du Robert.
Les programmes de travail que j’indiquerai aux élèves par mail seront répertoriés sur le blog de mes cours que j’ai créé en début d’année scolaire, http://relecturhelp.fr.
Note sur la visioconférence
Je n’ai pas pour ma part opté pour la visioconférence pour faire cours à distance. Les raisons en sont multiples : les outils ne sont pas forcément appropriés, tous les élèves ne sont pas également équipés et il est impossible de contrôler les présents et les absents.
Les réseaux sociaux
En discutant avec mes élèves vendredi 13 mars 2020, je me suis rendue compte qu’ils étaient également demandeurs d’une information plus instantanée. J’ai donc accepté de créer un compte Instagram (@relecturhelp) grâce auquel je garde le contact avec eux. Ce compte est professionnel et publique ; les élèves comme les parents peuvent s’y abonner mais je ne m’abonne, en retour, à aucun compte de parent ni d’élève. J’y poste pour l’instant les informations sur les ressources de révision qui leur sont accessibles, un mot et une citation du jour (tirés du compte @lerobert_com), ainsi qu’une photographie de ma lecture en cours. Certains de mes collègues proposent des défis sous forme de question de grammaire à résoudre (@lerendezvoussansfaute). Je n’hésite pas non plus à poster parfois une image plus légère pour garder le moral ! Là encore, c’est une initiation pour moi, qui n’étais pas habituée à ce réseau social ni à ce type de communication avec les élèves ; je préfère habituellement entretenir une certaine distance avec eux et je les vouvoie (oui, même les Secondes !). Mais je me rends compte que cet usage des réseaux sociaux permet d’entretenir une communauté avec les élèves, ce dont ils ont grand besoin en ce moment. Certains redoutent la solitude ; d’autres, de ne pas savoir se mettre à travailler seuls ; et tous ont eu l’air désemparés en nous quittant vendredi.
La discussion avec les élèves m’a aussi conduite à créer pour certaines classes, là encore à leur demande, des groupes WhatsApp de classe. Cela m’a contrainte à accepter de communiquer mon numéro de téléphone, ce vis-à-vis de quoi j’avais quelques réticences. Mais le gain en lien avec les élèves est inestimable, et nous avons pu ainsi contourner la difficulté de connexion aux ENT, qui ne fonctionnent pas toujours.
Les évaluations
Les élèves auront des notes pendant la période d’enseignement à distance, selon les mêmes modalités que les devoirs maison en temps habituel : ils rendront leur travail à une date donnée, idéalement via EcoleDirecte ou ProNote (mode de rendu des devoirs moins lourd à gérer que la messagerie), à défaut sur mon adresse mail professionnelle qui ne passe pas par l’ENT (en l’occurrence une adresse gmail, relecturhelp@gmail.com). Je corrigerai en ligne, sans annoter les copies toutefois mais en rédigeant une remarque générale au cas par cas.
Si les élèves avaient un exposé ou un oral de BAC blanc à faire le jour d’un cours, ils l’enregistreront sous forme de vidéo ou de piste audio avec leur smartphone et me l’enverront par WeTransfer ou par mail à mon adresse mail professionnelle hors ENT. Si cette solution ne leur convenait pas, je leur proposerai de leur faire passer leur oral blanc ou leur exposé sous forme de visioconférence personnalisée, via le compte Instagram ou le groupe WhatsApp créés pour l’occasion, ou par Skype.
Des innovations pédagogiques
De nouvelles modalités d’exercices et d’évaluations peuvent être proposées aux élèves en s’appuyant sur leur pratique des réseaux sociaux :
- créer la page Instagram de l’auteur au programme (Montaigne, Beaumarchais, La Fayette et Baudelaire dans mon cas ; la liste peut être étendue aux auteurs des lectures cursives et des textes du parcours de lecture) ou celle des personnages de fiction étudiés (Figaro, Suzanne, la Comtesse et le Comte Almaviva, La Princesse de Clèves, etc.)
- lancer un concours de citations pour les œuvres au programme ;
- proposer comme jeu d’inventer des phrases utilisant le mot du jour ;
- poser des devinettes littéraires, de culture générale ou de stylistique (« Va, je ne te hais point » : quelle est la figure de style utilisée ?) ;
- s’abonner à des applications de lecture en ligne comme UnTexteUnJour ou UnJourUnPoème pour enrichir sa culture générale ;
- et beaucoup de choses auxquelles je n’aurais pas encore pensé !
La continuité pédagogique entre professeurs
En ces temps inhabituels, il est également important de rester en contact avec ses collègues, ne serait-ce que pour briser la solitude… En tant que professeure principale, j’ai donc proposé à ceux des collègues de ma classe qui le souhaitaient de rejoindre le groupe WhatsApp « Profs de la 1re X » pour nous tenir informés, nous coordonner si nécessaire et nous serrer les coudes (même si nous avons toussé dedans). J’observe que nous avons eu le même réflexe, côté parents d’élèves, pour la classe de CE1 de mon fils…
Même en ces temps compliqués, il me semble que si nous nous saisissons des outils numériques qui nous conviennent, nous pouvons continuer à exercer notre métier avec conviction et passion. Se nourrir des idées des autres, échanger avec nos élèves, avec leurs parents comme avec nos collègues (à l’intérieur de l’établissement comme en dehors), rester en veille permet de nous adapter à cette situation exceptionnelle tout en apprenant beaucoup. Malgré la gêne évidente de la situation que nous vivons, je pense que nous ne ferons plus cours de la même manière après cette période d’initiation (à marche forcée) au numérique et au distanciel et que notre présence en tant que professeur auprès des élèves est à la fois fondamentale pour nous et pour eux.