Les nouveaux programmes entrant en vigueur à la rentrée 2019 engagent l’élève à la création d’écrits d’appropriation, de travaux personnels (écrits, lectures, interviews, visites…) visés par le professeur. Dans cette perspective, nous rapportons une expérience menée dans le cadre de l’actuelle option « littérature et société », et susceptible de trouver sa place en Seconde dans la partie du nouveau programme consacrée à la littérature d’idées ou dans celle consacrée au récit. Les objectifs sont de travailler par des activités variées les capacités d’expression à l’écrit et à l’oral, ainsi que la maîtrise des technologies de la communication et de l’information. Le but est aussi de développer les capacités d’analyse, et de faire réfléchir à la notion de témoignage, de sensibiliser à une thématique majeure d’aujourd’hui, l’immigration. Le sujet, outre qu’il retient facilement l’intérêt des élèves, permet d’établir des liens avec les programmes d’enseignement moral et civique, et avec l’éducation aux médias et à l’information.

Intitulé du projet

« Une galerie des dons au lycée Charles-le-Chauve de Roissy en Brie » par Virginie Rodde (professeur de lettres).

Contexte

Le Musée de l’histoire de l’immigration est situé Porte Dorée au bord du bois de Vincennes (Paris XII) ; il propose, outre une exposition permanente consacrée à l’histoire de l’immigration à l’échelle mondiale, et des expositions temporaires consacrées à des problématiques liées au phénomène migratoire, un dispositif original appelé « la Galerie des Dons ». Cette salle participative expose des objets qui ont été librement proposés par le public. Sélectionnés, et accompagnés de textes explicatifs, ces objets témoignent d’un destin migratoire vers la France. Dans la classe de Seconde où cette expérience vient d’être conduite, l’origine très diverse des élèves (plus de quinze nationalités) a favorisé la démarche. Ce projet faisait partie d’un ensemble plus vaste en plusieurs volets, qui a intégré une sensibilisation à la thématique et au vocabulaire à travers le visionnage du film Welcome de Philippe Lioret, et de vidéos d’archives visibles sur le site du Musée de l’immigration, l’étude d’articles de presse (par exemple « La vie pour bagage », par Maryline Baumard, M le magazine du Monde 26 septembre 2015), la lecture de romans contemporains rattachés au thème, et une initiation à l’improvisation théâtrale permettant d’aborder le thème sous l’angle juridique (reconstitution d’un procès pour « délit de solidarité » à partir d’articles de presse sur le cas « Malcom Lowry »).

Organisation générale

Le projet a été mené en suivant les étapes suivantes :

Étape 1 : Visite au Musée de l’immigration de la galerie des dons

Étape 2 : De retour en classe : la création d’une galerie des dons au lycée

  • Séance 1 : Présentation des objets
  • Séance 2 : Préparation des cartels et photo-call
  • Séance 3 : Rédaction d’interviews
  • Séance 4 : Montage de l’exposition/Visites
  • Séance 5 : Bilan en classe

Détail du déroulement

Étape 1 : Au Musée de l’histoire de l’immigration : visite et mini-conférences des élèves

La visite se fait par groupes d’environ 15 élèves et dure environ une heure. Si la classe est à plus de 30, on peut la diviser en deux et envoyer un groupe dans les autres parties du musée pour une autre activité, ou une visite avec le professeur d’histoire.
Les élèves sont d’abord invités à faire un tour rapide de la galerie, à l’issue duquel ils doivent décrire le principe de l’exposition (que voit-on ? comment l’exposition est-elle organisée ? certains objets ont-ils retenu leur attention)
Par groupe de deux, ils choisissent ensuite un objet de l’exposition qu’ils retournent voir. Ils ont alors 10 minutes pour préparer une mini-conférence (3 minutes) sur cet objet comprenant une description physique (matière, mode et lieu de fabrication…), pratique (à quoi cet objet sert-il ?), historique (à qui a-t-il appartenu ? quel trajet a-t-il accompli ? de quoi témoigne-t-il ?). Les élèves doivent se partager la parole équitablement. Ils peuvent prendre quelques notes, sans rédiger.
Le groupe se retrouve ensuite à l’entrée de la galerie et commence une déambulation au fur et à mesure de laquelle chaque élève présente « son » objet (sans lire le cartel !).
À la fin de la déambulation, les conférences peuvent être soumises à un vote pour choisir la plus réussie.

Étape 2 : De retour en classe : la création d’une galerie des dons au lycée

Séance 1 : Présentation des objets

Les élèves apportent un objet porteur d’une mémoire familiale. Cet objet prêté, ou légué par un membre de la famille, appartient à l’élève, ou bien à ses parents voire ses grands-parents. Dans l’idéal, cet objet témoigne d’une migration, sinon d’une transmission culturelle, ou d’un voyage. Les élèves sont assis en cercle (le CDI se prête bien à cette activité). Chacun à leur tour, ils viennent au milieu du cercle, présentent leur objet : ils le décrivent physiquement, et expliquent pourquoi ils l’ont apporté. Puis ils le montrent ou le font passer. Les élèves doivent prendre des notes au fur et à mesure pour garder une trace écrite, selon la grille possible suivante:

Objet N° Nom/ Description de l’objet Prénom du propriétaire Trajet effectué

Un élève peut remplir cette même grille au tableau.

Séance 2 : Préparation des cartels et photo-call

Les élèves préparent une étiquette (très lisible) pour intituler l’objet. Ils choisissent un titre (qui peut être poétique ou simplement descriptif) et indiquent la provenance de cet objet. On décide d’une charte commune pour ces étiquettes.
Ces objets sont ensuite pris en photo avec leur étiquette. Un stand est installé à cette fin (besoins matériels : une table, deux grands panneaux verticaux). Le professeur, le professeur documentaliste, ou un petit groupe d’élèves peuvent se charger des prises de vues.
Pendant ce temps, les élèves rédigent le texte figurant sur le cartel de leur objet. D’une vingtaine de lignes, ce texte présente l’objet comme les élèves ont appris à le faire depuis la visite du musée (description physique, fonction, histoire, voyage effectué, valeur de témoignage). Les noms des propriétaires peuvent être changés et ceux-ci se désignent à la troisième personne.
Sur une carte du monde vierge indiquant simplement les frontières des pays (format A5), ils colorient le pays d’où l’objet vient (pourquoi pas aux couleurs du drapeau).
Ils rédigent également cinq ou six questions à poser au donateur de l’objet (parent, grand-parent). Ces questions font appel à la mémoire familiale, et ont vocation à faire apparaître la dimension symbolique et affective de l’objet.

Séance 3 : Rédaction d’interviews

Pour cette séance, on demande en amont aux élèves d’interviewer les donateurs des objets et d’en garder une trace audio (en enregistrant avec leurs téléphones portables). On leur conseille de partir des questions qu’ils ont préparées, tout en sachant que l’entretien les amènera nécessairement à formuler d’autres questions de « relance » pour apporter des précisions.

Lors de cette séance, les élèves retranscrivent leur interview (sur Word) et finalisent leurs textes. On les sensibilise à l’aspect visuel : mise en page de l’interview/choix des polices. Ils font précéder l’interview d’un court portrait de la personne interviewée (le nom peut être changé). L’interview pourra éventuellement être illustrée de photos qu’il faudra légender (portrait du donateur, paysage en rapport avec l’origine de l’objet, activité liée à cet objet…).

Séance 4 : Montage de l’exposition

Le professeur arrive avec les photos des objets tirés en grand format et les montre aux élèves.

Par groupes de quatre, les élèves réfléchissent à une typologie des objets, grâce à la grille remplie en séance 1 et à une impression couleur des photos en tout petit format. Ils doivent décider d’un classement (par fonction ? par matière ? par couleur ? par région du monde ? suivant la typologie de Maslow, suivant l’organisation du Musée de l’immigration ?).

Chaque groupe désigne son porte-parole et on décide de l’organisation. On donne un titre à chaque section. Dans l’expérience que nous avons menée, les objets étaient classés par besoin fondamental, et les titres des « salles » étaient des verbes à l’infinitif comme « se nourrir », « imaginer », « se vêtir », « se parer »…

On attribue ensuite les missions suivantes, à faire en petits groupes :

  • Relecture des textes (on peut organiser un vrai temps de relecture).
  • Impression des textes des élèves.
  • Écriture des grands titres, en fonction de la structure de l’expo.
  • Un petit groupe d’élèves (3 ou 4) sera chargé d’élaborer une carte du monde
    (imprimée en A3) permettant de situer les objets. Ils travailleront à partir des petites cartes réalisées pendant la séance 2. Les photos sont imprimées dans un tout petit format et reliées au pays. Cette carte figurera sur le panneau de présentation).
  • On réalise les différents panneaux.

Séance 5

Conformément au nouveau programme, à la suite de la visite de l’exposition par les classes du lycée et éventuellement par les « témoins » interviewés, chaque élève rédigera un « écrit d’appropriation ». Il y fera figurer :

  • Une relation de la démarche collective et de son déroulement.
  • Une photo de l’objet qu’il a apporté, accompagnée des précisions de provenance (voir séances 2 et 3).
  • Une transcription de l’interview qu’il a réalisée dans la séance 3.
  • Les textes lus et étudiés en classe en relation avec le sujet.
  • Un texte argumenté dressant le bilan de cette expérience.

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1 commentaire

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  1. Bonjour,
    Je trouve ce projet superbe, émouvant et parfaitement adapté aux exigences du référentiel. Il est exposé étape/étape clairement. Il est facilement adaptable avec mes classes. Merci pour ce partage. C’est sympa 🙂 Vanessa

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